Tu es au bout, dominant le salon creusé.
Tu portes ce t-shirt vert, celui qui te va à merveille... Celui que tu portais ce jour où je t'ai tant photographiée...
Tu es là droite, tu regardes au loin... Je te sais triste, pensive...
J'arrive derrière toi,
je te prends par la taille en te murmurant doucement des paroles telles que
"Par quelle épreuve
Faut-il encore passer
Sur quelle route jamais tracée..."
avec la voix de celui que admire, il y a peut-être même de la musique qui s'échappe de ma bouche en même temps que les paroles...
Oh je ne sais pas si ce sont ces paroles là, exactement, que j'ai confié à ton oreille... mais elles étaient pleine de cette mélancolie, de cet
16h10
C'est nouveau ! je note l'heure !!
ça ne va sûrement pas durer !
J'ai décidé d'aller faire un tour au club... Pour me changer les idées...
Je vais prendre le métro car ma mère n'a pas l'air décidée à m'emmener.
Je ne sais pas ce que j'espère en allant là-bas...
Anna m'a parlé hier...
On devrait aller à Pau pendant 3 semaines en Août... Ce serait trop génial !
Ses grands parents ont une très grande maison là-bas et il se trouve que durant ces 3 semaines là, ils devraient partir en voyage je ne sais où... J'ai pas trop retenu...
Donc on devrait garder la maison...
Les parents d'Anna passeraient de temps en temps...
Pour l'instant je ne vois aucun mauvais point...
Un vrai rêve ces vacances !!
Ici il pleut, Anna doit entendre les cigales chez elle...
Et ses taches de rousseur doivent ressortir toujours plus, au soleil...
Bon allez, je crois qu'il y a un métro dans 10 minutes, par là...
Si je me dépêche je vais l'avoir...
Allez zou, au club !
ça y est, l'interrogatoire des parents est terminé...
Je me retrouve enfin dans ma chambre.
Quand je suis arrivée à la gare, je me suis arrêtée près d'une cabine téléphonique parce que ma mère ne savait pas quand je rentrais exactement, donc je cherchais désespérement ma carte téléphonique dans tous mes sacs...
Lorsqu'une main s'est posée sur mon épaule :
-Claire ?? Claire de l'escrime ? C'est bien toi ?
-Euh... oui ?
-Je suis Oriane ! Tu te souviens de moi ? Nous étions dans le même cours en 2ème année d'escrime...
-Ah oui... oui ! bien sûr !
-Tu as toujours les mêmes yeux, Claire ! (Là j'ai été troublée... Car Anna avait parlé de mes yeux pendant les 15 jours passé en Avignon...)
-Euh, oui ! Et toi tes yeux sont toujours aussi bleus !! Bon alors que fais-tu ici ?
-Et bien je m'apprêtais à rejoindre une amie à Paris... Et toi ?
-Moi je reviens d'une colo...
-Ah, d'accord... Oh mes parents m'appelent, tu fais toujours de l'escrime au club ?
-Oui oui...
-Bon alors je passerai te voir... Tu remues en moi beaucoup de souvenirs ! Il faudra qu'on en reparle ! Je dois y aller ! À bientôt jolie Claire !
Et voilà comment me troubler dès mon retour !
Oriane...
Je l'avais complètement oubliée...
Mais maintenant je me souviens d'être allée à une compétition avec elle.
Ma mère nous avait emmenées parce que sa mère à elle était seule avec son bébé.
Nous avions gagné plein de lots de consolation... C'était marrant...
Mais nous ne partagions pas beaucoup.
Je ne parlais pas.
Décidément, j'ai changé sans vraiment changer.
C'est fou qu'elle se souvienne de moi comme ça...
Parce que je n'ai pas dû la marquer avec mon bavardage...
Pffft !
Enfin....
Ah ! Le téléphone sonne, j'espère que c'est Anna...
Je laisse mes parents décrocher, pour qu'ils fassent plus rapidement connaissance...
Je leur ai déjà touché quelques mots de notre projet vacances...
Ils n'avaient pas l'air complètement contre...
Oui...
C'est elle...
Dans le train.
Anna a pris le train dans l'autre sens.
Je me sens un peu perdue. Il y a plein de promesses, plein de rêves... Mais je ne sais pas trop ce que je veux.
Habiter dans le Sud avec Anna est bien plus tentant que de retourner dans la grisaille de Normandie. Et ce n'est que le début des vacances. Nous voudrions partir, ensemble. Peu importe où. Mais nous voudrions profiter des vacances. Pouvoir encore nous aimer comme bon nous semble.
Je ne sais pas, je ne sais plus trop ce que je veux...
J'ai toutes les coordonnées d'Anna. Évidemment.
Mais que devons-nous faire ? Il n'y a rien à envisager... Ou bien pas encore... Pourquoi Anna est-elle si loin ? ce serait tellement plus simple si nous étions tout près l'une de l'autre...
Nous avons deux mois pour trouver une solution.
Je profite de ta douche pour te dire tout mon amour...
Tu es mon petit, mon tout petit coeur, mon grand rêve...
Je ne veux plus te quitter et pourtant la distance nous séparera après ces jours magiques ensemble...
Je ne sais pas si un jour tu partageras tout ce que je ressens au fond de moi, pour toi... Car il y aura toujours ce petit coeur dans mon poing fermé, qui battra, sans interruption... pour toi.
Je sais, c'est ridicule, cela fait une simple semaine que tu es entrée dans ma vie... Mais pourtant je ne veux plus que tu en sortes.
Je te parle dans mes rêves, je dis tout ce que je ne peux te dire.
Je voudrais être quelque chose, quelqu'un d'important à ton coeur...
Je veux ton amour, ton amitié, ton affection.
Car je t'aime.
Des yeux comme les tiens on ne les oublie pas. Ils peuvent paraître, neutres...
Mais ils sont remplis de sentiments cachés...
On dit que les yeux marron sont bien moins jolis que les yeux bleus.
Mais ce n'est pas vrai.
Les tiens sont si doux, si tendres, ton regard demande, supplie, répond, raconte...
Je n'ai croisé ces yeux qu'une fois avant les tiens...
Et je ne les ai pas oubliés...
Mais maintenant c'est toi que j'aime.
Anna.
Une semaine tellement chargée et géniale que je n'ai pas ouvert ce cahier depuis lundi dernier...
Là j'ai enfin une pause, C'est lundi soir... Comme la dernière fois...
Je ne sais plus où j'en étais... Ah oui...
Oui oui oui... C'était elle qui m'appelait, la semaine dernière, dans le bungalow...
Ma belle rousse...
Elle s'appelle Anna...
Ce soir là, elle m'a appelée, elle a murmuré... "Claire... héééé... Claire..."
Je me suis retournée, elle m'a prise par la main et m'a emmenée dehors.
J'étais un peu surprise, mais en même temps, cela me semblait naturel. Entre nous, un délicieux silence.
Mais ses yeux... Ses regards... Et sa façon de me frôler...
Elle m'a emmenée, en me cachant les yeux, dans un champ de lavande...
J'ai senti le parfum, à la fois si puissant et si doux...
Le soleil se couchait... Il ne restait que très peu de lumière, mais suffisamment pour pouvoir contempler la couleur de la lavande.
Instant magique, magnifique.
Elle s'est assise, ne lâchant pas ma main...
Je me suis alors assise à côté d'elle. Elle a mis les cheveux qui me barraient le visage derrière mes oreilles, et a caressé doucement mon visage.
Sa peau sentait le soleil et les agrumes... Elle a mis sa tête sur mes genoux, et a admiré le ciel.
Puis son regard a croisé le mien... "Tes yeux sont si beaux... Si doux... Je n'arrive pas à les décrire autrement. Ils me font quelque chose, au plus profond de moi.
Ils réveillent en moi une tendresse longtemps recherchée."
Avec Anna, je me sentais différente.
je me sentais enfin bien.
Elle aime ces yeux que tous appellent "sans sentiments, sans émotion".
Elle aime celle que je suis. "La sans coeur" que les autres n'aiment pas.
Ses cheveux brillent comme le soleil roux derrière les arbres... Ils glissent sur mes cuisses presque nues.
Nous sommes toutes deux en short.
Elle ferme les yeux, et tourne sa bouche contre mon ventre, ses bras enserrent ma taille.
Je me sens bien.
Mais ainsi installée, je ne peux lui rendre sa tendresse.
Je bouge doucement, et m'allonge auprès d'elle. Nous nous retrouvons toutes les deux, étendues aux pieds de la lavande...
Personne ne peut nous voir...
Nos yeux dévorent nos lèvres nos visages nos corps.
Les lèvres charnues d'Anna se posent sur les miennes, humides et fines, qui n'ont jamais goûté un tel nectar.
Le mot magique n'est pas assez puissant pour décrire à ce moment là l'explosion digne des feux d'artifices qui a lieu dans ma tête et dans mon ventre...
Toutes les couleurs défilent une à une en milliers d'étoiles, suivant le rythme d'une musique douce et mystérieuse.
Ce soir là, ce premier soir, restera le plus beau de cette semaine...
Les autres jours suivent, nous sommes perçues comme les deux meilleures amies du monde... Nous affirmons aux autres que nous nous connaissons depuis longtemps...
Nos mains s'effleurent puis s'accrochent lors des balades. Les mains chaudes d'Anna se glissent parfois dans mon cou, prétextant un petit moucheron qu'il faut enlever... Mais elles s'attardent, amoureuses, elles caressent tendrement ma nuque...
Mes mains, elles, désirent plus que tout de goûter aux reins d'Anna...
Le soir, lorsque nous avons convaincu toutes les filles de notre bungalow d'aller marcher jusqu'au glacier qui se trouve à quelques 2 kilomètres de là, nos mains peuvent se retrouver, sans moucherons, et nos lèvres peuvent à nouveau se découvrir...
Anna est magnifique...
Elle sait tout me dire avec les yeux...
Moi, j'aime lui chuchoter mes pensées du bout des doigts, le long de ses bras, et aussi lui glisser quelques mots lorsque mes lèvres effleurent le lobe tendre de son oreille...
Écrire tout cela n'apprend rien de mes activités de colonie... Mais.. Anna est devenue l'élément important de ce séjour...
J'avais besoin d'écrire tout cela.
C'est quand même fou que l'on se soit trouvée, ici...
Il est tard...
On dort dans des bungalows, c'est trop génial !
J'ai mal au poignet, je ne suis pas très bien installée.
Je me sens pleine de force. Prête à commencer une nouvelle aventure.
je suis un oiseau et je laisse le vent guider mes ailes...
Je suis partie tôt de la maison ce matin. Maman m'a accompagnée jusqu'à la gare.
Puis j'ai pris mon train... Toute seule...
Je me suis assise tranquille. j'ai posé mon gros sac en face de moi.
Et je me suis mise à rêver.
À un arrêt, un groupe de jeunes de mon âge avec le même genre de bagages que moi sont montés.
Parmi eux, une fille rousse, assez grande.
Elle m'a intriguée...
J'adore rêver dans le train.
À l'arrivée, j'ai pu remarquer que le groupe se dirigeait vers le même endroit que moi : un homme et une femme, tous deux blonds, tenaient un petit panneau pour nous indiquer qu'ils étaient les moniteurs et qu'il fallait se diriger vers eux.
Il y a eu l'appel.
Et là, elle m'a regardée.
La belle rousse. de son regard vert pénétrant.
Je ne sais plus si elle m'a souri mais son regard en disait long.
Nous avons suivi les moniteurs sans se lâcher du regard, puis un garçon l'a appelée :
-Hé ! La rouquine ! C'est à toi ce sac bleu ?
Elle a détourné les yeux des miens et s'est précipité sur le petit sac qui était tombé.
J'ai continué mon chemin.
La monitrice a l'air gentille. Un peu carrée, et stricte, mais juste. Il suffit de lui parler un peu et hop, elle se réchauffe un peu.
Peau bronzée, gorgée de soleil. Superbe mine. Habillée en bleu marine. Short qui révèle ses jolis mollets musclés.
Et ses cheveux, blonds et brillants, décolorés par le sel et le soleil. Elle vit en Bretagne. Elle passe sa vie dehors. Elle est l'une des profs d'une école de voile dans une ville là-bas.
mais dès que l'été arrive, elle fonce diriger les colos.
Elle est super active.
Elle veut qu'on l'appelle Meg. ça fait un peu américaine...
Oh et puis on s'en fiche !
On a pas fait grand chose de la journée...
On a pris nos repères, et on nous a un peu présenté le programme de la colo.
Je suis dans le bungalow de la fille rousse.
Il y a une fille qui m'appelle, j'espère que c'est...
Je suis en vacances, ça y est... Je n'ai pas tellement écrit ces derniers temps, mais j'étais fatiguée... Là j'ai repris des forces. Je cherche à parler à Fanny, mais j'ai l'impression qu'elle ne me voit pas. Comme toujours il y a d'abord l'excitation... le "impossible n'est pas moi"... Et puis après on se cogne douloureusement à la réalité qui n'est pas toujours douce. On se dit qu'il faut arrêter de rêver... Mes parents ont décidé de m'envoyer en colo. Ce n'est pas une mauvaise idée... Au moins je pourrai rencontrer des gens qui n'ont aucun apriori sur moi. Cela me permettra d'oublier Fanny. De toutes façons je me laisse porter par les décisions des autres... Là ça ne me gêne pas... C'est plutôt bien... Je pars Lundi. Nous ne serons que des gens de mon âge. Ceux qui sont déjà en vacances en gros ! Nous partons en Avignon. J'ai hâte.
La vie continue son ptit bout de chemin... Avec Fanny les choses n'avancent pas. On dirait même que les rumeurs concernant mon prof et elle sont fondées... Enfin bon... Je me sens seule, très seule, de plus en plus seule. Je n'arrive pas à communiquer avec mes parents ; durant les cours du soir, j'ai l'impression d'être une étrangère et de les déranger plus qu'autre chose. Et puis celles que je croyais mes amies sont en fait comme toutes les autres. Donc je suis seule. "je ne suis bien qu'avec moi-même". Qu'elles gardent leurs excitations, leurs bonheurs superficiels, leurs gloss à la framboise ou leurs t-shirt du dernier groupe de hard-rock. De toute façon elles sont toutes pareilles. Avec leurs grands airs, leurs grands projets, leur pseudo-maturité, pseudo-déprimes et pseudo-révolution : elles m'intoxiquent, j'en ai marre... Est-ce que Fanny est comme toutes ces filles ? je ne sais plus trop où aller. J'me laisse porter par les autres... Ceux qui m'énervent dès le lendemain. Je suis fatiguée de tout, de tous. Je ne sais plus à quoi ça sert de faire des efforts. Je me suis toujours fait avoir, toujours fait rouler. Pourquoi est-ce que ça s'arrêterait ? Je ne supporte plus tes yeux indifférents, et surtout, tes yeux insolents. Tes airs "J'm'en fous de tout..." , de tout ce qui peut se passer dans les yeux de celle que d'habitude tu considères comme une amie, depuis 4 mois, tu ne dis plus rien. Tu lances ces belles paroles... "j'ai toujours rêvé...." mais pourtant on ne dirait pas. Tu as peur de ta souffrance ? Mais aussi de celle des autres ? Ne cherche plus à te rattraper. Dis juste que c'est fini. Car à chaque fois tu fais plus de mal. Personne ne fait jamais les choses comme il faut. Et surtout pas moi. Mais je fais des efforts. J'essaye de m'améliorer. Et c'est loin loin loin d'être facile. Marre marre, ras-le-bol de devoir toujours tout faire, tout entreprendre. De devoir supporter que sans prévenir, tu me laisses tomber. Marre de tes paroles qui se veulent adultes alors qu'il n'y a aucune raison derrière. Marre de celle que tu crois être. Marre de ce trait noir insolent, de ces haussements d'épaules indifférents... Ils font du mal, et brisent un coeur qui est déjà tellement fragile et abattu. Mais tu t'en fous. Alors ne t'occupe plus de moi. Je ne veux plus m'excuser alors que je n'ai rien fait. Car c'est toujours mon rôle avec tous. Non je n'suis pas parfaite. Mais toi non plus. ZUT.